Anciennement NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), les TIC ont perdu le N de la nouveauté après s’être fondus dans la vie quotidienne, Internet envahissant ordinateur, téléphone mobile, et désormais la télévision. On peut donc qualifier de TIC, toute technologie connectée ou non permettant d’accéder à un moment donné à une information numérique renouvelée.
Mais comment qualifier les TICE ? Le E d’éducation sous-entendrait que ces nouvelles technologies sont employées dans un environnement éducatif, école, université, centre de formation.
Crédit photo Humanoïde – Cc Flicker
Pourtant un formateur ou un enseignant utilisant un ordinateur et un vidéo projecteur, supports de son enseignement met-il vraiment en œuvre les TICE dans son métier ? Proposer en ligne une documentation par quelque moyen que ce soit, blog, plate-forme peut-il être assimilé à une mise en œuvre effective des TICE ?
Dans certains esprits, les TICE se résument simplement à un usage de matériel informatique ou à un service (blog, plate-forme). Pourtant à un moment donné un usage TIC devient un autre usage TICE et vice versa. Comment déterminer la transition ? A quel moment l’usage de l’objet technique devient un outil d’enseignement ?
La réponse peut se retrouver dans les bons usages du scolaire et la mise en œuvre du b2i école : il y a TICE lorsque l’enseignant s’appuie sur les technologies numériques pour que les élèves apprennent autrement.
Les apprentissages donnent du sens à l’utilisation des TIC en classe. Autrement dit, c’est l’innovation pédagogique dans l’apprentissage disciplinaire ou transversal grâce aux nouvelles technologies qui justifie le E de TICE !
Illustration volontairement simpliste : un exercice de grammaire sur cahier peut devenir une excellente occasion de développer une pédagogie innovante, il suffit que cet exercice s’effectue grâce au traitement de texte et que l’enseignant ajoute une compétence informatique (mettre en gras et en couleur une portion de texte), pour que cette symbiose fasse naître une séance TICE.
C’est une innovation activité toute simple qui ne révolutionne rien d’autre que la manière d’apprendre, renouvelle l’intérêt de l’élève, transforme l’erreur en étape de construction des savoirs et non en sanction. On est très loin du diaporama projeté dans un amphithéâtre ou sur un TBI !
Essayons de placer le curseur entre TIC et TICE :
- Préparer des enseignements et des supports pour préparer la classe ou un TD : TIC
- Utiliser les TIC comme un outil d’enseignement (usages du vidéo projecteur en amphi) : TIC
- Mettre en ligne des documents, cours, supports, que les étudiants téléchargent et impriment : TIC
- Proposer des activités qui mêlent apprentissages disciplinaires ou transversaux et TIC (savoir technique et savoir-être) : TICE
- Mettre en ligne des documents didactisés qui n’impliquent pas de nouvelles connaissance techniques en TIC mais développent de la collaboration, du tutorat ou du partage entre les “apprenants” : TICE
Pour qu’il y ait TICE, il faut une activité mixant des connaissances disciplinaires à des connaissances de l’objet technique (ex :production d’écrit hypermédia) ou à des attitudes (exercer un esprit critique sur les ressources en ligne, collaborer et partager autour de projets communs). Ni plus ni moins!
Prêt à passer du monde des TIC à celui des TICE ?
Dans le primaire français, TICE est déjà un acronyme qui est en voie d’extinction. Nous sommes passé au TUIC (Techniques Usuelles d’Information et de Communication). Le E a disparu.
Une séance TICE ou TUIC n’existe pas en soit. Les TUIC sont au service d’une autre matière. L’ordinateur ou le TBI, disons la machine n’est qu’un outil. Dans l’exemple que vous avez pris, la séance traite de grammaire. Un exercice peut en effet être réalisé sur cahier ou à l’aide d’un traitement de texte. Même si l’on peut isoler une compétence correspondant au B2I, le fait de travailler avec un ordinateur n’est pas innovant pédagogiquement parlant. Dans cette situation on a l’avantage de travailler à la fois les compétences de français et d’aider à la validation du B2I. Mais on peut effectuer le même travaille à l’aide de plusieurs stylos ou de crayons de couleur. Pas d’innovation dans la matière principale.
On n’apprend rien en faisant des exercices. On peut s’entraîner, c’est tout.
Pour apprendre il faut qu’il y ait une médiation, c’est à dire quelque chose ou quelqu’un pour remettre en question les suppositions de l’apprenant.
Dans votre exemple d’exercice de grammaire, l’élève apprend lorsqu’il se corrige. Autrement dit, le moment de correction, de validation compte plus que la production de l’exercice, même si la production est un passage obligé.
C’est cette validation qui doit être riche et motivante, pour que l’élève émette des doutes sur ce qu’il a pensé (notamment lors d’erreurs).
Un exerciseur peut être plus innovant. Un logiciel comme j’écoute puis j’écris permet par exemple de travailler la mémorisation orthographique en pratiquant une dictée intelligente. Les mots ou les phrases qui ne posent pas de problèmes ne sont pas répétées. Lorsqu’une erreur survient, les essais infructueux entrainent une réaction de la machine différente (affichage de la réponse quelques secondes avant un nouvel essai puis affichage permanent et copie de la réponse). Enfin après une erreur, la proposition reviendra tant que l’erreur survient. L’ordinateur est médiateur.
En production d’écrit par exemple, l’innovation intervient dans la possibilité de correction. En effet, réaliser un premier jet, se relire pour éliminer les erreurs les plus évidentes ne suffit pas. Si l’enseignant met quelques annotations et une note. La médiation n’a pas lieu. Pour cela il faut une correction avec des références à une typologie d’erreurs (que l’élève comprend) qui fait elle même référence à des règles étudiés (et que l’élève peut retrouver).
L’avantage du traitement de texte ici est évident. L’enseignant pourra annoter le travail et le second jet est simplifié pour l’élève. La correction est positive chez l’élève. Il peut éliminer le rouge de sa copie et par là même les erreurs.
Sur du papier, la trace du professeur reste. Si un nouveau jet est envisagé au stylo, deux inconvénients apparaissent. Le premier l’apprenant peut faire de nouvelles erreurs de copie. Recopier un long texte déjà fastidieux en premier jet est décourageant. Le traitement de texte est ici innovant car il économise du temps de correction, déculpabilise par une élimination des erreurs, donne toujours un résultat propre. Il peut même à l’aide du correcteur permettre à l’élève d’identifier ses erreurs courantes.
Avant de rendre sa copie, l’élève peut mettre en œuvre le correcteur orthographique et obtenir une notation sur sa capacité à expliquer quelques erreurs avant de les corriger.
L’innovation est ici flagrante car elle permet de faire le même travail qu’avec un stylo et un papier tout en approfondissant la partie correction.
Apprendre ne consiste pas à faire le moins d’erreurs possibles, mais plutôt à pouvoir les diminuer en étant capable de se corriger et les TUIC peuvent contribuer à faciliter ce processus.
On fait il ne faut pas confondre innovation et modernité.
L’acronyme TUIC a été introduit par le ministre Darcos en 2008 avec plus ou moins de réussite selon les académies.
Comme vous l’indiquez les TIC ne sont qu’un outil au service des disciplines et des apprentissages, il ne s’agit en aucun cas d’une matière en soi.
Votre définition de l’innovation pédagogique est également très juste et me laisse penser que votre pratique des TIC est très pointue.
Mais l’innovation peut aussi se résumer au déplacement d’un cran de curseur par rapport à une pratique individuelle : j’innove parce que je fais évoluer ma pratique du métier, sans révolutionner la pédagogie.
Une étape vers une véritable innovation pédagogique.